G.M.G.BAUR

G.M.G.BAUR
Extraits
Et les voici qui se rhabillent, cherchant leurs vêtements épars. Le repas est joyeux. Une douce ivresse les habite, un trop plein de joie qui s'écoule. Les aliments ont un parfum inattendu, le pain sent la farine et l'eau a un goût de pierre. Et puis l'impatience du lit, à se retrouver, à se confondre... Trois jours conquis de la sorte avec la mère qui ferme les yeux sur leurs amours adolescentes. Elle veut être comme eux, ne rien voir mais tout ressentir. Elle lui doit bien ça, à Pierre. Elle aurait pu faire un enfant comme les autres mais non, elle n'a pas su. Aussi, pour compenser, se faire pardonner, elle a tout donné d'elle à son fils, s'est saignée aux quatre veines pour qu'il puisse faire des études dans cette institution internationale pour aveugles, pour qu'il devienne quelqu'un et qu'il puisse peindre tout ce noir intérieur d'une multitude de couleurs, de ces couleurs secrètes pleines de bonheur et qui aident à vivre dans ce monde fait pour les yeux des autres. Elle sait aussi que ce qu'ils prennent pour de l'amour n'est rien que du désir, la soif de l'autre infiniment attendu. L'ivresse de la première fois. Ils entrent dans le monde éblouissant du sexe par ce qu'il a de plus pur et parce qu'ils y ont droit. L'amour, c'est autre chose, quelque chose qui dure et qu'il faut semer, quelque chose de tragique et de frémissant... Ça, elle le sait. Et sa vie n'est faite que de cette tragédie là. Trois jours. Trois jours trop courts et déjà le retour à la pension, et puis les jeudis jusqu'à ce jour déchiré de son départ pour l'Amérique du Sud. Ses parents avaient trouvé pour elle une institution nouvelle à Buenos Aires. Un dernier baiser, la promesse solennelle de se revoir puis elle dissoute, ravie par la nuit Tout est alors retourné à la nuit, même la nuit.
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- Je veux bien te biquer le prénom de ta meuf sur l'épaule, mais "Maud", comment tu l'écris ? Pas question que je fasse une faute d'orthographe ! Après, bonjour la correction... et la réputation !
- M, A, U, D, je te dis.
- T'es sûr ? Y'a pas de E ?
- Si t'as un calendar, on peut vérifier.
Tous deux assis à la table de la cuisine, chacun une bière à la main, se penchent sur un calendrier arborant une superbe gueule de chien.
- Merde ! C'est le même clébard que j'ai ramassé sur la route ! Putain ! C'est un ...briard. Un briard.
- Ton clébard est célèbre. Il a sa photo sur le calendrier de la Poste, c'est pas de la merde ! Bon, tu le trouves ce prénom ?
- Attends...
- Y'a pas de sainte avec ce nom ?
- Normal qu'on la trouve pas sur ton merdier, dit Jojo. C'est pas une sainte. C'est une salope.
- J'ai pas de calendrier de salopes, mon gars. Si t'en trouves un sur ta broque, je te l'achète comptant. Bon. On n'est pas plus avancés. Tu peux pas lui filer un coup de bigo ?
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Mais Katia n'aura pas sa réponse car Éléna a raccroché. Elle s'est pliée en deux, tordue par le désespoir. Comme ça fait mal, le désespoir, lorsqu'il vous brûle l'âme avec son fer rouge. Elle n'a jamais connu pareille souffrance depuis son enfance. Elle n'imaginait pas que cela pût exister pour elle, que ça puisse l'atteindre. Il y a bien tous ces films à la télé mais ce n'est que du cinéma. Il y a bien les actualités du journal télévisé avec son lot quotidien de drames mais ce n'est que de la télé. Il lui suffit d'appuyer sur le zap pour retrouver la douce atmosphère de son foyer. Où est-il à présent son bonheur frais du jour ? Où s'est-il envolé ? Effrayé sans doute par ce maelström marital il a préféré fuir. Reviendra-t-il un jour ?
Voilà deux jours que Herbert n'est pas sorti du sous-sol. Éléna a envoyé les enfants chez sa mère prétextant quelque indisposition sans autre explication. Au troisième jour, ne sachant plus quoi faire, elle a appelé le père de Herbert lui expliquant que son fils a une crise et qu'elle ne sait comment le raisonner. Il arrive quelques heures plus tard, seul, sa femme s'étant absentée pour l'après-midi.
Éléna explique, se bornant à l'essentiel. Son beau-père l'écoute, attentif. Elle le tient pour un brave homme mais seulement en l'absence de sa femme. Avec elle à son côté, il se transforme. Il devient tout miel et rampe à merveille comme ces laquais de la vieille école et ça la met en rage. Aujourd'hui, il est seul. Peut-être saura-t-il trouver la solution pour raccommoder la déchirure.
Le pitch
Kolosse, un chien errant, est recueilli par quatre familles successives. Sa présence va catalyser les passions et les drames, changer le destin de chacun. Kolosse, pourtant, n’est qu’un chien, un chien qui aime les hommes, trop peut-être ?
Profusion de petits os tendres
Auteur : G.M.G. Baur
Edition : Editions NP Nicolas Philippe, 2002
Nombre de pages : 362
Distribution : Gallimard Sodis
Couverture : Anita Gallego
Vente : en librairie et sur le site
de alapage.com
Lire les 20 premières pages...
Profusion de petits os tendres
La dégorne
L’oiseau dans un autre ciel
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